Histoire générale du quartier du Faubourg de Béthune

Une histoire générale du quartier du Faubourg de Béthune

Jusqu’à l’agrandissement de Lille en 1858 et l’annexion de Fives, Moulins, Wazemmes et Esquermes, le quartier du Vieux Faubourg était situé dans la banlieue du village d’Esquermes. Les fortifications furent agrandies et de nouveaux remparts édifiés. La porte de Béthune fut construite en 1865, séparant le quartier d’Esquermes, rattaché à Lille, du Faubourg de Béthune. A cette époque, les entreprises Thiriez déjà installées sur ce secteur depuis 1839, façonnaient le quartier. Cette manufacture textile en pleine essor remplaça progressivement les champs et prairies des alentours par des constructions d’usines, d’une retorderie, d’hôtels particuliers, de logements ouvriers organisés en courées, d’infrastructures sociales telles que des écoles, des jardins ouvriers… De nombreux commerces bordaient alors la rue du Faubourg de Béthune, un axe et lieu de vie important des Faubourgs de Lille. Cette rue, reliée à Lille par la porte de Béthune et la place Tacq, était alors un axe très fréquenté de Lille du fait des tramways B et H qui y passaient. C’est au 20e siècle, avec la disparition progressive des remparts qui bordaient le quartier que ce dernier connut une importante période de développement urbain.

 

L’urbanisation du Faubourg de Béthune

En 1919, 275 hectares de terrain sont libérés autour de la ville de Lille par le déclassement de son enceinte fortifiée. Le maire, Gustave Delory et la municipalité planifièrent alors le développement futur du territoire et amorcèrent une politique de rénovation. Le quartier du Faubourg de Béthune fit l’objet de travaux d’ampleur dès l’entre-deux-guerres. En 1924, la destruction des remparts au sud-est de la ville libéra un espace considérable depuis la porte de Fives à la porte de Canteleu. Cet espace appartenait à la municipalité au nord du boulevard Beethoven, et à l’Etat au sud. Il était traversé par une zone non aedificandi, c’est-à-dire  non constructible car propriété militaire. Cependant, des témoignages y indiquent la présence de baraquements, de jardins dits “ouvriers”, d’une église et d’un dispensaire le long de la ruelle Jeanne Hachette. Le groupe scolaire Samain Trulin fut construit en 1930 par l’Architecte Joseph Segers afin de remplacer les écoles existantes construites dans des baraquements.

 

Verhaeren

Sur ce terrain, 1400 logements de type HBM (Habitat Bon Marché) ont été créés parmi lesquels le groupe Verhaeren, construit par l’Office Municipal des HBM de Lille. Débuté en 1934 et achevé en 1936, cet ensemble de 8 bâtiments implantés en épis compte 265 logements. “Il se caractérise par une architecture soignée aux allures haussmanniennes : grilles filtrant les passages, cœur d’îlots aménagé en square, boutiques au rez-de-chaussée (crémerie, librairie, marchand de légumes, droguiste …)”. L’architecte François-Joseph Delemer avait pris le parti de la modernité. Chaque bâtiment était équipé d’un ascenseur, et chaque appartement disposait de l’eau courante, de l’électricité, d’un vide ordure et d’une surface habitable supérieure à ce qui se faisait à la même époque.

Anecdote : A l’époque, il fallait un casier judiciaire vierge pour pouvoir accéder aux logements

 

Verhaeren dans le temps

Au début des années 1930, le secteur Verhaeren était encore un paysage de campagne et de champs. Lorsque les premières constructions s’élevèrent, il régnait alors au sein des immeubles HBM une ambiance de “village”. “J’ai pour voisin et compagnon, un vaste et puissant paysage”, c’est ainsi qu’en parlait Emile Verhaeren.

La résidence fut bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale lors de la bataille de Lille-sud-Loos-Haubourdin de mai 1940. L’armée française, grâce au soutien notamment du 2e régiment de tirailleurs Marocains, repoussèrent les troupes allemandes. Afin de garder en mémoire cette période de l’histoire, une fresque fut installée à l’entrée de la résidence ainsi qu’une stèle en l’honneur des 4 habitants de Verhaeren morts à la guerre. 

Dans les années 50, le développement de l’automobile poussa à la création de places de stationnement en cœur d’îlots. Le square central céda ensuite sa place à une aire de jeux, supprimée au début des années 2000, pour laisser davantage d’espace à la circulation et au stationnement. En 1990, un vaste programme de réhabilitation permit d’améliorer le confort dans les logements plus de 50 ans après la création du groupe Verhaeren. C’est dans le cadre de ce projet que les cages d’ascenseur, trop petites et vétustes, furent installées à l’extérieur pour permettre de rénover l’intérieur des logements (menuiseries, salles d’eau, sanitaires…). Au cours des années 90, le bailleur Lille Métropole Habitat (LMH) équipa tous les logements du chauffage central au gaz. En 1998, dans le cadre de l’étude sur la qualité du paysage lillois, on classa la résidence à l’inventaire du patrimoine architectural et urbain de la Ville de Lille.

Le secteur Verhaeren conserva son caractère naturel initial malgré l’inévitable développement urbain. Là où il y avait des champs se trouve maintenant le jardin Verhaeren et la plaine Barbusse, 2 hectares de verdure qui contribuent grandement à la qualité du cadre de vie des habitants. La plaine Barbusse abrite aujourd’hui une aire de jeux pour enfants, un terrain de football en pelouse, un terrain multi-sports, des bancs et des tables de pique-nique. Quand au jardin Verhaeren, aménagé en 1934 dans le cadre de la politique des grands travaux de la ville entre les deux guerres et conçu en partie sur le modèle du jardin classique, il conserva sa composition géométrique et régulière. Sa superficie fut réduite de moitié par la construction du périphérique en 1973. Il était à l’époque emprunté pour rejoindre l’église Notre-Dame des Victoire désormais située de l’autre côté de l’autoroute.

La sauvegarde de ce patrimoine naturel permet aujourd’hui aux habitants de bénéficier d’un espace de verdure idéal pour découvrir une grande diversité d’arbres : l’aubépine, le hêtre, l’arbre de Judée, le liquidambar, le gingko biloba…

 

Concorde

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le territoire libéré par la destruction progressive des remparts fut utilisé pour loger les lillois, de plus en plus nombreux. La ville était en pleine expansion et la crise du logement qu’elle connaissait déjà était aggravée par les destructions de guerre. Le Ministère de la Rénovation Urbaine ordonna d’abord la construction de 56 baraquements préfabriqués en bois destinés à accueillir 142 familles, soit 500 à 650 personnes. Les habitants de cette cité d’urgence furent relogés boulevard d’Alsace à la construction de Concorde.

Dans quel cadre s’inscrit le projet Concorde ?

Pour faire face à la crise du logement que connaissait la ville, la municipalité de Lille mit en place un plan d’urbanisme d’ampleur. Il suivait les grandes lignes du Plan de reconstruction et d’Aménagement élaboré par Théodore Leveau et Jean Dubuisson dans les années 1950. Il prévoyait de construire des logements sociaux parsemés d’îlots de verdure sur les grands boulevards militaires de Lille Sud. Les terrains militaires et la zone non aedificandi furent acquis pour ce projet en 1953.

Ces constructions, dites de « secteur industrialisé », répondent à des critères tels que l’urbanisme vertical, la forte densité de logements dans les ensembles, la préfabrication standardisée pour une production rapide et la promotion de dispositifs de passation de marché pour diminuer la perte de temps. L’architecte du projet, Le Maresquier, a cherché à faire perdurer la spécificité visuelle du paysage lorsque des remparts s’y tenaient encore. Ainsi, les hauts immeubles parsemés de verdure rappellent les remparts de l’époque. Dans cette même volonté, il fit ériger le complexe en suivant leur tracé. Les habitations sont dégagées des rues et accessibles par des voies secondaires. De part et d’autre du boulevard Beethoven, là où se tenait la porte de Béthune, s’élèvent deux grands ensembles qui marquent l’entrée de la ville et rappellent l’ancienne porte.

L’ensemble Concorde était une prouesse technique pour l’époque. Le chauffage central, le vide-ordure, le tout à l’égout et l’ascenseur sont des équipements qui lui conféraient un confort encore rare. Il fut livré en 1962 après avoir remporté le prix de Rome en 1958.

Concorde, la nature apprivoisée

Avant d’être utilisé pour le projet Concorde, l’espace était spontanément utilisé par les habitants du Vieux Faubourg pour la culture potagère, jusqu’à être officiellement mis en culture pendant la Seconde Guerre mondiale pour répondre aux besoins de la population.

L’espace naturel que constituait le territoire entre la porte des Postes et la porte de Canteleu, en plein cœur de la ville alors en expansion, représentait un « enjeu » à prendre en compte dans la conception de l’ensemble Concorde. Ce dernier s’inscrit dans la doctrine urbaniste de l’époque qui envisageait le logement de masse en y organisant des jardins intérieurs sur lesquels les logements pouvaient prendre abondamment air et lumière. Le projet était donc envisagé comme un ensemble de 21 immeubles d’habitation en « barre » prenant en compte les contraintes naturelles (géologie, climat…) et de surfaces plantées de trois types différents (grandes pelouses, jardin public, longue butte herbeuse). Concorde est aujourd’hui encore l’un des quartiers les plus verts de Lille.

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Crédit photo : Histoire de Savoirs – FP Bailleul

La Baltique

La Baltique est une cité construite entre le Vieux Faubourg et le CHR pour répondre à un besoin urgent de logements. En effet, beaucoup de familles étaient privées de domicile par les destructions de guerre ou la pénurie qui touchait Lille depuis 1930. Avant d’accueillir cette cité, ce territoire accueillait la propriété Honoré, spécialisée dans la culture de fruits, légumes et fleurs.

La cité Baltique s’inscrivait dans le même plan d’aménagement que l’ensemble Concorde. L’ensemble de logements sociaux destinés à reloger les habitants de la « zone » (de la rue Jeanne Hachette et des Dondaines) vit le jour en 1970.

Par la suite, ce quartier se vit cloisonné par l’arrivée du périphérique en 1973. La Baltique est depuis prise entre plusieurs grandes artères de circulation et l’imposant complexe hospitalier. Les habitants témoignent de la sensation de séparation qui en résulta entre les deux côtés du périphérique.

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Crédit photo : Histoire de Savoirs – FP Bailleul

Texte tiré de l’exposition “Faites Votre Patrimoine” réalisée en 2014 par Histoire de Savoirs, les Archives Départementales du Nord et la Vie de Chantier.